Extraits

Extrait du livre de Sylvie Cognard : «  Des silences qui détruisent… »

Un livre assumé, première étape d'une thérapie, pour dire l’indicible, pour sortir du silence et se libérer d’une souffrance enfouie depuis plus de 50 ans. Enfant violée à 9 ans par son beau-père, Sylvie a affronté ses démons - la peur, la honte, la culpabilité - pour écrire ce livre à la fois douloureux et salvateur.

 

 

         "J’avais neuf ans quand Bernard m'a violée et cela a duré des années. C'est la première fois que j’en parle. J'ai gardé le silence pendant cinquante ans mais aujourd'hui j'ai besoin de m'en libérer pour que ma famille, mes enfants sachent ce que j'ai subi, pour ne plus vivre avec ce secret si longtemps enfoui. Il m’a fallu plus de dix ans pour décider de rompre le silence et je ne peux le faire que par ce livre. Le dire, en parler m'était impossible. Les mots ne pouvaient pas franchir mes lèvres.

            Garder pour moi cette blessure qui ne s'est jamais refermée a dévasté ma vie. Pour continuer à vivre, je me suis forgée une carapace qui m’a isolée des autres. J'ai acquis une dureté, une sévérité qui n'étaient pas dans mon caractère. Aujourd'hui, je veux pouvoir me délivrer de ce poids, de cette honte que malgré moi j'ai ressentie pendant tant d'années. J'ai besoin que l'on comprenne tout le mal que j'ai enduré : le mal que Bernard m'a fait subir et le mal que les autres, ma mère en premier, m’ont infligé par leur silence, leur indifférence à ma douleur. J’ai enfin trouvé le courage d’affronter mes peurs et de parler. C’est une épreuve difficile, incertaine mais dont je ressens la nécessité.

Bernard m'a violée alors que je n'étais qu'une gamine innocente de neuf ans. Evoquer  les circonstances de ses viols répétés est encore si douloureux... Au début, il profitait de l'absence de ma mère pour me faire coucher à ses côtés, dans son lit. Par la suite, il m'emmenait avec lui le soir, quand il allait reconduire son camion. Au retour, il arrêtait la voiture, m'entraînait dans un chemin et me violait. Ce chemin, je le revois chaque jour et je pourrais le retrouver les yeux fermés...

            Je ne pouvais rien dire, je ne pouvais pas le dénoncer. Il m'imposait le silence en me menaçant. Si je parlais, me disait-il, je provoquerais un drame pour toute la famille. Ma mère divorcerait, ma soeur et moi nous serions séparées d'elle, nous n'aurions plus de maison, nous devrions aller vivre dans une famille d'accueil ou un foyer de la DDASS. Si je m'avisais de parler, c'est cela qui arriverait et ce serait de ma faute. Tout serait de ma faute.

            Comment à neuf ans peut-on résister à de telles menaces, à une telle pression ? J'étais terrorisée à l'idée d'être responsable de ce qu'il me prédisait. Je ne voulais pas être séparée de ma mère, de ma soeur. Je ne voulais pas quitter la maison, Francis, le restaurant, les serveurs et aller dans une autre famille. Je  croyais dur comme fer ce qu'il me disait.

Je me suis tue et j'ai vécu dans la peur et la crainte de me retrouver en pension ou à l'assistance publique. Mon silence sur les viols de Bernard était le prix à payer pour que cela n'arrive pas. Inconsciemment, dans ma tête de gamine, je pressentais également qu'on ne me croirait pas, qu'on m'accuserait de mentir. Et puis, je voyais ma mère heureuse avec lui et je savais que si je parlais, je détruirais sa vie et que j'en serais responsable.

 Etre victime d'un viol condamne à une double peine : je subissais la pire des violences et j’éprouvais des  sentiments de honte et de culpabilité tellement forts qu’il m’était impossible d’en parler à qui que ce soit pour m’aider à arrêter ce cauchemar. J’étais dans une spirale infernale à laquelle je ne pouvais échapper.

         Je suis devenue une enfant sauvage, mutique. Je préférais rester cloîtrée dans ma chambre ou je me réfugiais au restaurant. J'essayais de l'éviter. Je me suis enfermée dans ma coquille, dans ce secret que je ne pouvais partager avec personne, que je portais comme un fardeau. J'endurais seule une souffrance que personne ne devait connaître, ni ma mère, ni ma soeur, ni mes tantes. Je m’isolais pour pleurer. On me demandait ce que j'avais et je ne disais rien. Que pouvais-je faire quand ma mère, le soir, me demandait d'accompagner Bernard pour ramener le camion à Epaignes ? Refuser ? Mais il aurait fallu lui dire pourquoi je ne voulais pas y aller. Je n'avais pas d'autre issue que de le suivre. Plus tard, pendant le procès de Bernard pour le viol de deux jeunes filles, une pensée terrifiante a envahi mon esprit. Ma mère s’était-elle doutée des agissements de Bernard ? Avait-t-elle fermé les yeux et laisser faire ? Cette question m'a taraudée des nuits entières.

……

 

 

Extrait du livre de Hélène V. : « Dans la lignée des amazones »

Fille, petite-fille, arrière-petite-fille de femmes qui ont assumé avec courage et dignité leur destin et leur condition, Hélène V. se revendique de cette lignée d’amazones qui lui ont montré la voie et transmis leurs valeurs.

 

Origines

 

Je suis venue au monde à Fort-de-France en Martinique, au sein de la famille Y., descendante d'Amérindiens, de Noirs, de Chinois, et de Blancs originaires de Normandie.

Mon patronyme de naissance - je changerai de nom plus tard - vient d'un de mes ancêtres, que l'on appelle dans la famille "le Chinois", originaire, semble-t-il, de Canton. Il serait arrivé en Martinique vers 1860 à bord d'un des trois navires, "Le Fulton", "L'Amiral Baudin" ou "Le Galilée" qui ont convoyé, entre septembre 1859 et juillet 1860, neuf-cent-dix-huit immigrés chinois.

Après l'abolition de l'esclavage, en 1848, les plantations avaient été désertées par les anciens esclaves devenus libres. Pour résoudre ce déficit de main d'œuvre, les propriétaires et le Gouverne­ment français ont alors organisé une nouvelle immigration en faisant appel à plusieurs pays, notamment la Chine.

Et c'est ainsi qu'un jeune chinois nommé Y… débarqua à Fort-de-France, après quatre mois de traversée et, muni d'un contrat d'engagement, partit travailler sur la plantation Concorde située sur la commune de Sainte-Marie.

Là, il rencontra Joséphine N. avec la­quelle il aura en 1875, une fille unique, Marie qu'il reconnaîtra et qui portera son nom. Marie donnera naissance à dix-sept en­fants. Victorine, l'aînée, est ma grand-mère mater­nelle. Son père, Georges L., fils d'un béké d'origine normande, ne l'a pas reconnue mais a légué à sa lignée le teint clair et la couleur bleue de ses yeux dont j'ai hérités. Elle évoquera souvent le souvenir gardé vivace de son grand-père, "le Chinois", arborant fièrement sa longue natte tressée à la manière mandchoue.

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Grand-Mère

 

Ne jamais se plaindre : c'est une force qui m’a été transmise par ma grand-mère, la petite-fille du Chinois. Ainée de seize frères et sœurs, elle faisait partie de ces amazones. D'une grande beauté, le port de tête altier, le teint clair et les yeux bleus qu'elle tenait de son père, elle a été follement aimée de B.L., mon grand-père, avec lequel elle a eu cinq filles : F., P., - ma mère -, T. , I., et et V.  Elle avait vingt ans et travaillait chez lui comme femme de ménage. Bel homme, marié, sans enfant, de vingt-trois ans son aîné, il est tombé amoureux d'elle et l'a établie dans une maison à la G., un quartier de Fort-de-France. Au début du siècle et même bien avant, il était fréquent en Martinique que des békés aient des enfants avec leurs domestiques. En revanche, il était rare qu'ils les reconnaissent. Etant marié, B.L.  n'a pas reconnu ses filles mais je sais par ma tante F. qu'il a, à un moment, souhaité divorcer et se marier avec ma grand-mère qu'il adorait. Elle a refusé pour des raisons liées, me semble-t-il, à ses croyances religieuses. Elle vivait déjà dans le péché et le mariage n’aurait pu la laver de cette faute. Peut-être était-ce aussi par charité à l'égard de la femme de B.L. qui ne pouvait pas avoir d'enfant. Les relations entre les deux femmes ont pourtant été parfois explosives. On m'a raconté qu'un jour, Madame L. a menacée ma grand-mère avec un pistolet dans la ferme intention de la tuer. Heureusement, tante F. s'est interposée et a pu éviter le drame ! Il faut croire que le temps adoucit les peines et la jalousie ; des années après ce rocambolesque incident, Madame L.  a voulu adopter, V. la dernière fille de son mari et de ma grand-mère !

            B.L. travaillait en tant que cadre à la Compagnie Générale Transatlantique à Fort-de-France. Ma grand-mère ne possédait rien. B.L, en père responsable,  assumait les charges de sa famille et pourvoyait à l’éducation de ses filles. Ma grand-mère, mère au foyer, s'occupait de ses enfants et de sa maison. Jusqu'à sa mort en 1944, B.L a toujours été très présent auprès d’elle et de ses filles. Il a d’ailleurs fait en sorte de doter chacune d'elles.

            Soucieux de donner une bonne éducation à ses filles, il se montrait très sévère avec elles. Je me souviens que, lorsqu'il rendait visite à ma grand-mère, une agitation fébrile s'emparait de la maison : « Attention, Papi va venir, Papi va venir ! » Chacun était au garde à vous et veillait à être irréprochable pour ne pas encourir les remontrances de Monsieur L. .

            Même aidée financièrement par B.L, ma grand-mère a dû faire preuve de beaucoup de cou­rage pour élever ses cinq filles, faire en sorte qu’elles poursuivent leur scolarité, apprennent un métier et… se marient ! À sa grande joie, ce fut le cas pour toutes les cinq. Elle faisait face sans jamais montrer la moindre faiblesse, intransigeante sur la discipline, les surveillant comme le lait sur le feu. Tel un dragon, elle admonestait les jeunes gens qui courtisaient ses filles et les mettait en garde : « Quelles sont vos intentions, Monsieur ? Sachez que ma fille doit impérativement être à la maison à huit heures et pas plus tard, sinon vous aurez affaire à moi ! »

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Jacqueline Meyer

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